Article paru dans le magazsine LetzbeHealthy – édition avril 2021 – www.dsb.lu
De Céline Buldgen
Pour tenter de mieux prévenir les maladies neurodégénératives, le Centre national d’excellence pour la recherche sur la maladie de Parkinson (NCER-PD) a lancé une enquête sur les troubles du sommeil à l’échelle nationale. Tous les résidents luxembourgeois âgés de 55 à 75 ans ont ainsi reçu un courrier officiel les invitant à participer à cette enquête.
Cette enquête épidémiologique fait partie intégrante de la deuxième phase du programme de recherche NCER-PD qui se concentre sur les facteurs de risque favorisant l’apparition de la maladie de Parkinson. Elle se clôturera deux mois après l’envoi des invitations.
Différents problèmes de santé, y compris certaines maladies neurodégénératives, peuvent être associés à un sommeil de mauvaise qualité. Avec cette nouvelle étude, l’équipe de NCER-PD s’intéresse donc à un trouble du sommeil bien spécifique appelé «trouble du comportement en sommeil paradoxal» ou TCSP. Il se caractérise par des comportements anormaux à un des stades du sommeil, le sommeil paradoxal, pendant lequel nous rêvons.
Alors qu’elles sont endormies, les personnes concernées sont agitées: elles miment les actions dont elles rêvent, parlent, crient et font des mouvements brusques, qui peuvent aussi involontairement gêner leurs partenaires. Ce trouble affecte principalement les adultes de plus de 50 ans.
Un certain nombre de personnes qui vivent seules ne sont évidemment pas conscientes de ce trouble du sommeil spécifique. «Néanmoins, dans certains cas, ces personnes qui dorment seules peuvent trouver leur lit en désordre le matin, présenter des petites blessures ou encore se souvenir d’être tombées du lit pendant la nuit.», précise le Dr Lukas Pavelka, chercheur clinicien travaillant sur cette étude.
Lors du lancement de l’étude, tous les résidents luxembourgeois âgés de 55 à 75 ans – qu’ils présentent des troubles du sommeil ou pas – ont reçu une lettre d’invitation avec un code d’accès. Ce code unique permet aux personnes intéressés de se connecter à un site web, s’inscrire et répondre à un court questionnaire en ligne prenant dix minutes au maximum. Ce questionnaire comporte 30 questions et cible deux domaines: le sommeil (plus précisément la qualité du sommeil) ainsi que la mémoire et les activités de la vie quotidienne. Les personnes qui sont susceptibles de présenter un trouble du comportement en sommeil paradoxal et qui sont éligibles pour les étapes suivantes de l’étude seront contactés individuellement par téléphone.
«Le contact téléphonique sert simplement à confirmer la bonne compréhension des questions de la part des participants et à valider les réponses données en ligne.», nous explique le Dr Lukas Pavelka. «Nous collecterons ensuite des informations plus détaillées par rapport aux troubles de sommeil en vue de déterminer s’ils correspondent au TCSP. Notre équipe contacte ensuite les participants susceptibles d’avoir le TCSP par courrier avec un questionnaire plus détaillé et une invitation à passer un test de l’odorat. Si les participants ne présentent pas d’autres maladies - par exemple la maladie de Parkinson - ils seront invités à se rendre à la clinique de recherche au CHL pour un rendez-vous avec médecin et un neuropsychologue spécialisés.» Ce rendez-vous préliminaire a pour but de déterminer si la personne n’est pas atteinte par une maladie neurodégénérative. Après cette étape, il sera demandé à la personne d’effectuer un examen pour le diagnostic du TCSP, avec le choix entre deux possibilités: soit prendre rendez-vous au laboratoire du sommeil, soit utiliser un appareil à domicile avec l’aide de l’équipe de recherche, pour effectuer un suivi du sommeil, de l’activité cérébrale (EEG), de la saturation en oxygène dans le sang et de l’activité musculaire (tous ces enregistrements ne sont pas invasifs). En cas de diagnostic positif, la personne est intégrée à une cohorte (groupe de personnes participant à une étude) et bénéficie d’un suivi à long terme avec des examens annuels.
Pr Rejko Krüger, coordinateur de NCER-PD: «Une fois inclu dans la cohorte, chaque participant sera reçu tous les ans par l’équipe de recherche (i.e. un neurologue, un neuropsychologue et une infirmière de recherche) afin de réaliser un examen neurologique, de passer des tests de l’odorat, de la mémoire et de la dextérité et finalement de donner des échantillons de sang, de salive et d’urine. L’étude est pour le moment prévue pour 4 ans et nous avons l’intention de prolonger le suivi à terme.»
Cette enquête en ligne et les étapes suivantes vont permettre d’évaluer pour la première fois combien de per-sonnes au Luxembourg sont affectées par le trouble du comportement en sommeil paradoxal. La participation de la population concernée par l’enquête est donc déterminante pour la réussite de l’étude, comme en témoigne Pr Rejko Krüger: «Le taux de participation doit être suffisamment élevé pour que nous puissions déterminer la prévalence de cette maladie au niveau national d’une manière représentative. Il est donc important que beaucoup de gens y participent et pas uniquement ceux qui ont déjà remarqué des problèmes de sommeil. Chaque réponse va être utile pour nos travaux de recherche.»
La première étude réalisée au Luxembourg dans le cadre de NCER-PD s’est focalisée sur les personnes ayant déjà développé la maladie de Parkinson ou des syndromes parkinsoniens. Pr Krüger: «Outre une meilleure visibilité et collaboration au niveau international, cette première étude réalisée en 2015 (et qui est toujours en cours) nous a permis d’obtenir des résultats probants, avec notamment la détection de nouveaux biomarqueurs pour la maladie de Parkinson. Nous avons par exemple trouvé des bactéries qui jouent un rôle dans la progression de la maladie dans les selles des patients.» Cette nouvelle étude sur le TCSP se concentre à présent sur une phase que l’on appelle «prodromale», c’est-à-dire une phase qui précède l’apparition potentielle des symptômes moteurs caractéristiques de la maladie de Parkinson. Les processus physiologiques des maladies neurodégénératives, et en particulier de la maladie de Parkinson, débutent bien avant l’apparition des manifestations au niveau moteur. La perte de l’odorat ou certains troubles de la digestion peuvent en effet être des symptômes précurseurs de la maladie de Parkinson. Dr Pavelka: «Les causes du TCSP sont encore mal connues et des travaux de recherche sont nécessaires pour mieux comprendre les possibles liens avec les troubles neurodégénératifs tels que la maladie de Parkinson. L’enquête nationale en ligne sur la qualité du sommeil est un premier pas dans cette direction.». Le Pr Krüger ajoute: «Nous espérons comprendre pourquoi chez certaines personnes le TCSP évolue par la suite vers les stades précoces de la maladie de Parkinson alors que d’autres sont protégées. Cela nous aidera à développer de nouvelles stratégies pour prévenir cette transition et à définir des options thérapeutiques. En général, 1% de la population âgée de plus de 60 ans est atteinte de la maladie de Parkinson. On sait aujourd’hui que ce pourcentage va augmenter au cours des vingt prochaines années, en raison du vieillissement de la population mais également de facteurs génétiques et environnementaux. Cette nouvelle étude va donc servir à clarifier les facteurs qui jouent un rôle dans l’apparition et la progression de la maladie. Dans le futur, nous pourrions dès lors espérer trouver des traitements agissant de manière précoce sur la cause de la maladie avant même que celle-ci ne se manifeste.» Jusqu’à aujourd’hui, il est impossible de prévenir l’évolution du TCSP. Cependant, les personnes atteintes peuvent avoir recours à des traitements efficaces pour agir sur les symptômes. «Comme un traitement symptomatique est disponible pour le TCSP, il sera aussi bénéfique de poser un diagnostic tôt afin d’améliorer de façon significative la qualité du sommeil et la qualité de vie des participants concernés et de leur conjoint(e)», précise le Dr Pavelka.
Cette étude est organisée par NCER-PD, en collaboration avec l’Université du Luxembourg, le Luxembourg Institute of Health et la Biobanque de Luxembourg, le Centre hospitalier de Luxembourg et le Laboratoire national de santé. Pour plus d’information et pour participer à l’enquête, rendez-vous sur www.RBD.lu |
- Interview du Pr Rejko Krüger et du Dr Lukas Pavelka, organisée le 11 janvier 2021.
- Communiqué de presse du NCER-PD.
for articles/videos/studies
Healthcare professionals who wish to be part of a unique network, providing access to up-to-date, accurate and validated information about clinical research.
Investigators and study staff who wish to be part of a unique network, in order to stay abreast of clinical trials taking place in Luxembourg and who are willing to further develop their competencies.