Article paru dans le magazine SEMPER – édition Octobre 2022 – www.dsb.lu
Rubrique REHERCHE sous la responsabilité du Dr Manon Gantenbein, PhD, Responsable du CIEC
Malgré les risques sanitaires bien documentés que pose le contact avec des polluants chimiques pendant l’enfance, l’exposition chimique des enfants n’a pas encore été explorée et définie de manière appropriée. Dans cette étude entièrement luxembourgeoise, le professeur Brice Appenzeller, du Luxembourg Institute of Health, a non seulement utilisé l’analyse des cheveux pour révéler la multitude de polluants auxquels les enfants sont régulièrement exposés, mais il a également distingué leurs sources primaires dans le but d’établir des mesures préventives qui limiteraient la proximité des enfants avec ces substances dangereuses.
La physiologie et le comportement spécifiques des enfants les rendent particulièrement vulnérables à l’exposition chimique, avec de multiples effets négatifs sur leur santé. Entre autres, l’exposition aux polluants chimiques chez les enfants a été associée à des maladies neurologiques, des problèmes de développement, des perturbations hormonales, des troubles respiratoires et cardiovasculaires, des cancers et l’obésité. Pourtant, les effets complets de l’exposition chimique chez les enfants restent mal définis, car la plupart des études épidémiologiques explorant ces aspects ont été menées sur des populations adultes. Comme l’explique le professeur Brice Appenzeller, chef de groupe de l’unité de recherche en biosurveillance humaine du Luxembourg Institute of Health: «Les effets de l’exposition aux produits chimiques chez les enfants peuvent différer fortement de ceux des adultes en raison de leurs différences comportementales et physiologiques. Bien que les enfants soient plus petits, leur rapport surface/volume est trois fois plus élevé que chez les adultes, ils ont des périodes de croissance rapide et ils ont tendance à consommer plus de nourriture par unité de poids que les adultes.»
Dans l’espoir d’aider à définir des mesures de prévention plus efficaces spécifiquement destinées aux enfants, l’équipe du professeur Appenzeller a cherché à mieux comprendre les polluants chimiques auxquels les enfants étaient exposés. L’étude entièrement luxembourgeoise a recueilli des échantillons de cheveux auprès de 256 enfants résidents âgés de moins de 13 ans. Les échantillons ont été testés pour 153 composés, y compris des pesticides et d’autres produits chimiques trouvés dans la fabrication comme les biphényles polychlorés (BPC), le décabromodiphényléther (DeBDE) et les bisphénols. Un questionnaire a été utilisé pour recueillir des informations sur le mode de vie des enfants, notamment pour savoir s’ils avaient des animaux domestiques à la maison, où ils vivaient et ce qu’ils mangeaient.
«La présente étude démontre que les enfants sont exposés simultanément à de multiples polluants appartenant à différentes classes chimiques», a souligné Alba Iglesias-González, première auteure de l’étude. En effet, les résultats ont montré que chaque enfant avait une médiane de 61 composés dans ses cheveux, allant de 29 à 88 par échantillon. La concentration la plus élevée était celle du bisphénol A (BPA), couramment utilisé dans la fabrication des plastiques, qui a été observée à 133,6 pg/mg. Bien que les polluants organiques persistants soient interdits en Europe depuis plus de 20 ans, ils ont été trouvés dans plus de la moitié des échantillons, ce qui suggère que le fort passé industriel du Luxembourg, combiné à la longue durée de dégradation de ces produits chimiques, pourrait être à l’origine d’une exposition continue chez les enfants. Des pesticides ont également été fréquemment détectés dans tous les échantillons.
Il est intéressant de noter que l’exposition aux polluants est plus élevée chez les jeunes, et que les garçons sont plus exposés aux pesticides non persistants que les filles. On soupçonne que cela est dû au dimorphisme physiologique et comportemental entre les sexes. En outre, les enfants ayant une alimentation essentiellement biologique présentaient une concentration significativement plus faible de 17 types de polluants dans leurs cheveux. Le fait que les enfants vivent dans des zones urbaines ou rurales a eu une incidence sur le type de polluant auquel ils étaient exposés, plutôt que sur la quantité. Parallèlement, il a été constaté que la présence d’animaux domestiques à la maison exposait les enfants aux produits chimiques présents dans les antiparasitaires appliqués sur les animaux, ces derniers présentant des risques tels que des réactions oculaires, cutanées et respiratoires, même en cas d’exposition de courte durée. Sur les 153 composés testés, seuls 17 polluants n’ont été détectés dans aucun échantillon.
«Le grand nombre de polluants détectés démontre que, comme les adultes, les enfants sont soumis à une exposition simultanée à de multiples polluants issus de différentes familles chimiques», conclut le professeur Appenzeller. «Les résultats obtenus ici jettent les bases d’autres investigations visant à mieux comprendre la contribution des différentes sources d’exposition aux polluants chez les enfants. En outre, le présent travail donne des indications sur l’identification des facteurs d’exposition et suggère des possibilités d’interventions visant à la réduire.»
Cette étude pionnière était la première du genre à étudier l’exposome chimique des enfants (la somme de ce à quoi les enfants sont exposés au fil du temps) et les facteurs d’exposition au moyen de l’analyse des cheveux au Luxembourg. Les cheveux sont capables de stocker les substances chimiques mères et les métabolites pendant de plus longues périodes que l’urine et le sang, ce qui les rend particulièrement adaptés à l’étude de l’exposition chronique aux polluants. En plus de révéler la multitude de polluants auxquels les enfants sont exposés, cette étude a confirmé la pertinence de l’analyse des cheveux pour révéler l’exposition, posant ainsi les bases d’autres recherches visant à améliorer la compréhension des facteurs d’exposition chimique chez les enfants.
L’analyse complète et les résultats ont été récemment publiés dans la revue de premier plan Environment International sous le titre complet: «Investigating children’s chemical exposome - Description and possible determinants of exposure in the region of Luxembourg based on hair analysis».
L’étude a bénéficié du soutien de la Fondation KriibsKrank Kanner, et a été conjointement financée par le Ministère de l’Agriculture du Luxembourg.
Brice Appenzeller, PhD, ADR
Professeur associé à l’Université du Luxembourg
Chef de groupe, Unité de recherche en biosurveillance humaine
Département de la santé de précision
Luxembourg Institute of Health Courriel : Brice.Appenzeller@lih.lu
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